Nous, les femmes, partout dans le monde, subissons avec force la dure réalité de la guerre, et constatons l’avancement de la militarisation sur la vie civile, sur nos territoires et sur nos corps. Surmontant la peur et le silence, nous nous mettons en marche, en ces endroits convertis en champs de bataille, pour unir nos voix au nom de la justice et de la paix.
Longue est l’histoire des conflits armés, des génocides, des répressions. Le langage de la violence bien établi à l’intérieur du capitalisme et du système patriarcal, avec le soutien des multinationales, mercenaires et paramilitaires, permet que les guerres s’installent, certaines, très médiatisées, d’autres oubliées, mais toutes infligeant les mêmes séquelles.
Dans toutes les régions même si très différents, les témoignages ont tous les mêmes points en commun. Femmes et fillettes harcelées sexuellement dans des postes de contrôle, violées par des groupes d’hommes armés et après abandonnées par leurs communautés. Femmes qui sortent en courant sous un ciel de balles, avec balluchons et enfants sous les bras vers un refuge incertain, loin de leur culture et de leur histoire à reconstruire, dans l’espoir que le jour se lève encore… Femmes et fillettes, transformées en butin de guerre, en objectif militaire des groupes armés. Femmes et fillettes saisies par la traite, la prostitution ou qui ne reviennent jamais, faisant partie de la liste des féminicides.
Abondent des raisons pour défier la violence qui fait des nous des cibles. Abondent aussi des raisons pour défier d’autres prétextes invoqués pour justifier des conflits aussi guerriers que la discrimination ethnique, le racisme, la criminalisation de la pauvreté ou la résistance à l’injustice.
Nous avons la responsabilité de faire taire les armes et de dénoncer les prétextes dont se sert le pouvoir pour nous immobiliser, en nous servant des faux discours sur la sécurité, les missions humanitaires et le combat contre le terrorisme, pendant qu’avancent l’industrie des armements, l’installation des bases militaires, la privatisation et la destruction des ressources naturelle.
Dans la Charte mondiale des femmes pour l’humanité nous déclarons que la paix c’est beaucoup plus que l’absence de guerre : c’est le respect et l’accomplissement des tous nos droits en tant qu’habitants et habitantes de cette planète. C’est dans ce sens que nous continuons à marcher, main dans la main avec les femmes et les hommes, les mouvements sociaux et les peuples du monde qui lutent pour éliminer la pauvreté et la violence et pour construire une paix durable.
La Marche mondiale des femmes est un mouvement international féministe qui est né en l’an 2000. Ce ralliement incontournable est constitué de groupes des femmes et d’organisations de la base qui dénoncent la pauvreté, l’oppression, l’exploitation, la discrimination et qui luttent pour y mettre fin.
Depuis le 8 mars 2010, nos pas ont résonné dans 52 pays. Des dizaines de milliers de femmes ont organisé et participé à plusieurs actions nationales autour de 4 champs d’action : l’autonomie économique des femmes, le bien commun et l’accès aux ressources et aux services publics, les violences envers les femmes, la paix et la démilitarisation.
En ce 17 octobre 2010 nous sommes ici, à Bukavu, province du Sud Kivu, République Démocratique du Congo, où la violence sexuelle provoquée par la guerre s’abat sur les femmes et les fillettes de ce pays. Nous sommes ici, en solidarité avec toutes ces femmes qui résistent quotidiennement aux conséquences de ce conflit armé. Nous terminons dans cette nation notre troisième action internationale.
En l’an 2000, notre première action comme Marche mondiale des femmes a été l’une des initiatives qui a poussé le Conseil de Sécurité des Nations Unies à adopter la Résolution 1325, dans laquelle sont reconnus les impacts de la guerre sur les femmes et le besoin d’inclure les femmes dans tous les processus de résolution des conflits. Cependant beaucoup de gouvernements et institutions restent les bras croisés. L’impunité continue.
Nous sommes toujours en action. Notre solidarité s’étend à toutes les femmes et à tous les territoires frappés par la violence de la guerre et de la pauvreté. Nous nous mobilisons, nous brisons le silence, nous renouvelons notre engagement à continuer notre marche en lien avec les 5 valeurs de la Charte mondiale des femmes pour l’humanité : l’égalité, la liberté, la justice, la solidarité et la paix.